Au nord de Santiago coule l’Aconcagua, dont la vallée abrite quelques vignes intéressantes. Dans cette région, le nom le plus connu, et de loin, est celui d’Errázuriz, un domaine dont on trouve les vins dans tous les restaurants et supermarchés du pays. Gros volumes, donc, mais sans doute les meilleurs rapports qualité-prix en moyenne ! Fondée en 1870 par Don Maximiano Errázuriz, la maison appartient aujourd’hui à son descendant, Eduardo Chadwick. Comme chez tout grand producteur chilien, les gammes de vins se multiplient comme des lapins, au point que je m’y perds. Qu’importe, car comme on verra, je n’ai vraiment dégusté qu’un petit échantillon, et n’ai pas eu droit aux cinq rouges « Icon » de la maison (dans la région de l’Aconcagua : Don Maximiano, Kai, La Cumbre et le très réputé Seña, auxquels s’ajoute Viñedo Chadwick à Maipo).

Un peu lassés des visites organisées, nous faisons l’économie du tour du propriétaire, ce qui ne nous empêche pas d’aller tous seuls admirer la vue du haut d’un coteau de vignes. L’architecture traditionnelle de la salle de vente – bois, brique, chaux – contraste avec le design artistement asymétrique de l’inévitable miroir d’eau et du chai circulaire drapé dans des pans de mur blanc. C’est dans la pénombre confortable de la salle de vente, toute en madriers, plancher vernis et fauteuils de rotin, que se déroule la dégustation. Celle qu’on nous a préparée puise principalement dans la gamme intermédiaire Max Reserva, au-dessus du simple Reserva à 5€ la bouteille. Un bon point, c’est que tous ces vins viennent de la vallée de l’Aconcagua – Errázuriz se distingue à ce titre parmi les autres mastodontes viticoles, en se concentrant vraiment sur une zone géographique (l’Aconcagua et sa voisine Casablanca).

Le chardonnay Max Reserva 2013 n’a connu que des fûts de quatrième usage, mais le boisé y est : la pêche et le pamplemousse sont complétés par la noix de coco, le beurre, le miel ; de même, la bouche est équilibrée entre acidité et rondeur. Par comparaison, le chardonnay Reserva 1870 Cortton (Valle Central 2009), goûté lors d’un pique-nique, est bien plus vif, avec un côté salin et iodé structuré par des notes levuriennes.

Le merlot Max Reserva 2012, sous une dominante de myrtille, cache un soupçon d’arômes floraux et végétaux que ne dément pas la bouche. Le tout manque un peu de concentration et de maturité, avec des tanins encore jeunes en finale.

Joli vin en revanche que ce carménère Max Reserva 2013 : cassis, groseille, crème de café, une attaque fraîche avec une belle finale sur des notes de réglisse, d’anis et de cacao. À côté, le carménère Reserva, testé plus tard en millésime 2014, est plus simple, plus fruité, moins structuré mais tout de même agréable.

On fait un détour par la gamme Specialties (un cran au-dessus de Max Reserva) avec une syrah (2012) de la zone littorale de l’Aconcagua, au sol d’ardoise assez pauvre. Le nez puissant évoque les fruits secs (figue, pruneau), le caramel, le poivre avec l’habituelle touche fumée. La bouche est concentrée, avec des tanins légèrement acides mais déjà assagis. J’aime beaucoup la franchise et la générosité de ce vin.

Pour finir, nous revenons à Max Reserva pour un cabernet sauvignon (2013) aux parfums suaves (confiture de mûre, fleurs, banane). L’attaque est vive et la finale tannique. Le même vin en millésime 2011, dont nous avons pris une demi-bouteille sur un excellent déjeuner au restaurant « Vista » à Santiago, a un boisé plus velouté, avec des notes de cuir.

En somme, l’unique domaine que nous aurons vu dans la vallée de l’Aconcagua m’a laissé une bonne impression. Les bouteilles que nous avons dégustées sur place coûtaient un peu plus de quinze euros, pas de quoi fouetter un Chadwick ; et ma foi, je ne suis pas trop déçue d’avoir fait l’impasse sur les vins qui étaient de toute manière hors de ma portée financière, puisque pour un prix abordable, on peut s’offrir la gamme Icon-cagua…

Vins chiliens (6) : Aconcagua. Errázuriz

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