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Raisin et sentiments
2 mars 2016

Grand Tasting 2015 : mes bouteilles préférées

Coup de cœur : Bordeaux, Saint-Julien, La Réserve de Léoville-Barton, 2011 (29€).

Reserve_Barton

    Le Grand Tasting, qu’est-ce que c’est ? C’est le salon de vins organisé annuellement par Bettane et Desseauve au Carrousel du Louvre, et où sont présentés les chouchous du fameux guide. Le Grand Tasting a lieu à la fin de l’année : pendant deux jours, ce sont des centaines de producteurs qui y proposent leurs meilleurs flacons à la dégustation, et le tout Paris s’y presse, son verre Riedel à la main, surtout le samedi où l’atmosphère devient irrespirable à partir de midi. Les tarifs sans cesse croissants (25€ la journée sans compter les masterclasses qui peuvent grimper jusqu’à 150€ pour à peine deux heures) ne découragent pas les foules et n’empêchent pas l’inévitable beauf, venu se torcher au grand cru, de vous agresser dans la queue du vestiaire. Pour moi, cependant, le Grand Tasting est un incontournable : c’est l’occasion de retrouver les producteurs que j’aime, de faire connaissance avec de nouvelles têtes, de voir ce qui est dans l’air du temps… Cet événement est aussi complémentaire d’autres salons comme celui des Vignerons Indépendants : on ne peut pas acheter sur place, les vins relèvent généralement d’une gamme de prix élevée, mais ils sont triés sur le volet et il n’y a (presque) que du bon. Ma sélection comprend donc un certain nombre de bouteilles chères (30€ et plus), mais aussi quelques pépites d’un bon rapport qualité-prix ; j’y mêle des vignerons que je connais bien à d’autres qui sont des découvertes pour moi.

 

    Commençons par les Alsaciens, à qui j’ai fait la part belle cette fois-ci. Je n’ai pas eu tort, d’ailleurs : en termes de vins blancs, l’Alsace est l’endroit où trouver les bonnes affaires.

Par exemple, cet alsace grand cru Altenberg de Bergheim, riesling, 2012 de la Cave de Ribeauvillé (18,50€). Yves Baltenweck, le patron de la plus ancienne cave coopérative de France, saluée mille et une fois par la critique, me le sert après deux autres rieslings grands crus, l’Osterberg très vif et le Rosacker à la minéralité légèrement pétrolée. Celui-ci est nettement plus doux, avec des arômes floraux et anisés sur une bouche tendue : bel équilibre !

Je passe trois bons quarts d’heure avec Philippe Blanck, un vigneron parmi les plus cordiaux et les plus généreux que je connaisse. Il me fait déguster, ainsi qu’à d’autres jeunes amateurs venus visiter son stand, pas moins d’une quinzaine de blancs sur des verticales vertigineuses remontant jusqu’au millésime 1986… Un de mes favoris est l’alsace grand cru Furstentum, gewurztraminer vieilles vignes, Paul Blanck, 2001 (21€ en millésime 2009) : la traditionnelle rose s’efface ici derrière les notes de poire et de miel, avec un soupçon d’artichaut et l’inévitable litchi ; la bouche est d’une parfaite onctuosité, avec peut-être moins d’amertume en finale que le 2009 ou le très évolué 1990. Merci à Philippe pour cette masterclass gratuite improvisée en plein coup de feu par pur amour du partage !

J’ai également le plaisir de retrouver l’« Esprit de Calcaire » de la grande Agathe Bursin et le pinot gris grand cru Rangen de Wolfberger (dégustés six mois plus tôt au Salon de la RVF). Quant à Jean-Michel Deiss, gesticulant comme à son habitude et absorbé dans un débat avec quelques messieurs, il me verse d’une main distraite des vins qui n’ont rien perdu en qualité depuis le millésime précédent (voir notre dégustation avec Mathieu Deiss), notamment ce Burg 2010 puissant et boisé.

    Un autre qui ne s’est pas contenté d’apporter les cinq vins mentionnés dans le livret de dégustation, c’est le légendaire Jacky Blot, du domaine de la Taille aux Loups, à Montlouis-sur-Loire. Du fond d’une immense glacière, ce spécialiste du chenin sort bouteille après bouteille de vins blancs de caractère. Je retiendrai entre autres son montlouis-sur-loire, Clos Michet, 2014 (16,50€), si gourmand et onctueux avec ses notes amyliques discrètes.

On passe – malheureusement – à d’autres tarifs avec le meursault premier cru Les Charmes de Louis Latour, 2013 (66€), un grand chardonnay de Bourgogne comme je les aime, avec toute la fraîcheur des agrumes auxquels se mêle une subtile touche d’ananas et une splendide texture lactée dont la densité donne envie de le garder pour une ou deux décennies… ou alors de reculer prudemment devant le prix et de préférer le meursault de Joseph Drouhin, 2013 (37,50€), une valeur sûre d’une très belle intensité.

    Changeons de couleur pour aller voir du côté de Joguet, l’un de mes producteurs préférés de Chinon (100% cabernet franc de Loire), et l’un des plus réputés d’ailleurs. Vers le haut de sa gamme, je ne connaissais pas encore ce chinon Clos du Chêne Vert, Charles Joguet, 2012 (30€), très opulent, mûr et ample en bouche, avec une belle trame soyeuse. Je recommande !

Profitant d’un rare moment où le stand n’est pas submergé par la demande, je teste enfin les fameux beaujolais de M. Desjourneys, viticulteur ambitieux qui rend ses lettres de noblesse au « vil et déloyal » gamay honni par Philippe le Hardi et ne manque pas de rappeler que le Beaujolais fait partie de la Bourgogne. De fait, ses vins pinotent volontiers, tel ce moulin-à-vent 2009 de Jules Desjourneys (40€, quand même), où la cerise mûre domine une bouche racée qui sait rester fraîche.

    Un détour par Bordeaux s’impose maintenant avec un vin que j’ai dégusté (et acheté) dans d’autres millésimes à plusieurs occasions, et dont je trouve que décidément, il en vaut la peine : j’ai nommé le moulis-en-médoc de Château Poujeaux, 2010 (28€), avec ses arômes intenses et gourmands, sa bouche racée, son petit côté sous-bois… Petite astuce : on le trouve fréquemment dans les hypermarchés sur de plus petits millésimes, autour de 20€ (reste le problème des conditions de conservation en grandes surfaces). Il n’y a pas que les grands crus classés dans la vie !

Néanmoins, un de mes coups de cœur du salon se situe dans mon appellation préférée de Bordeaux et n’est autre que le second vin d’un très grand château : il s’agit de la Réserve de Léoville-Barton, saint-julien, 2011 (29€). Généreux, légèrement torréfié, avec une pointe de poivron mûr, il est frais et épicé à la fois, déjà abouti et plus accessible (à tous points de vue !) que le Léoville-Barton 1999 ou le Langoa-Barton 2006 dégustés à côté ; le résultat est aussi élégant et aimable que Michel Sartorius, qui me présente les bouteilles…

    On monte en puissance en descendant vers le sud. J’ai le bonheur de goûter un superbe hermitage des Caves de Tain à 100€ (que je n’avais pas vu au Salon de la RVF), mais je préfère parler d’une vraie bonne affaire, un côtes-du-rhône Dauvergne-Ranvier « Vin rare » 2013 (7€), concentré, fruité et vraiment agréable, une jolie découverte dans cette région qui regorge de bonnes choses.

En Roussillon, encore un terroir à perles, j’essaie les maurys justement renommés du Mas Amiel, notamment le maury sec Mas Amiel « Origine », 2010 (26,50€), explosif, solaire, tout en rondeur grâce à l’équilibre de ses trois cépages (grenache, syrah, carignan).

    Le Grand Tasting, j’y vais aussi pour sa sélection italienne qui permet au public de découvrir de magnifiques vins de la péninsule dans une salle dédiée. Mention spéciale pour le barolo Le Vigne de Sandrone Luciano, 2002 (prix inconnu mais sans doute élevé), qui a toute l’intensité corsée typique de ce producteur sur des arômes entêtants de griotte.

Côté Portugal, j’ai un faible pour le porto Late Bottled Vintage 2009 d’Adriano Ramos Pinto (22€), sans doute à son apogée avec une gamme fruitée et boisée d’une grande élégance, une occasion à saisir !

GT_masterclass

    Pour finir ma journée au Grand Tasting dans un océan de douceur, j’ai réservé une masterclass décadente autour des sauternes 2005 – cinq nectars d’une grande année, avec dix ans d’âge, présentés par leurs producteurs. J’en ressors avec l’impression d’avoir consommé assez de sucre pour deux semaines, mais aussi avec un sourire béat. À côté du Clos Haut-Peyraguey (le plus corsé), de Doisy-Daëne (le plus floral), de Suduiraut (le plus évolué) et de Coutet (le plus fruit sec), c’est le sauternes de La Tour Blanche 2005 (65€) qui était le plus beau, à mon sens, alliant le gras de l’amande et la noblesse du cacao à une grande fraîcheur qui se retrouve dans la bouche, d’une ampleur soyeuse avec une pointe d’acidité et d’épices… J’aime décidément ce domaine, classé juste en dessous d’Yquem avec des prix beaucoup plus abordables et la garantie d’un vin jamais sirupeux. En plus, il appartient à un lycée agricole et son maître de chai, Philippe Pélicano, est très gentil. En voilà qui ne s’enferment pas dans une tour d’ivoire !

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