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Raisin et sentiments
23 août 2015

Vins chiliens (1) : Chili con vallées

paysage_vignoble_Altair

Matin brumeux dans la vallée du Cachapoal

    Voyage voyaaage… Cet hiver (austral), partons au Chili, un pays de vins et de paradoxes. C’est un pays qu’on traverse en deux heures d’est en ouest, mais en plusieurs jours du nord au sud ; c’est le pays le plus cher d’Amérique latine, mais les habitants s’endettent à vie faute de gagner assez pour vivre ; c’est un pays très américanisé, mais où l’on ne parle guère anglais, même dans les lieux les plus touristiques ; c’est un pays auquel Pinochet a légué une foule de souvenirs sinistres, mais aussi une Constitution à ce jour inchangée. C’est surtout une culture foisonnante, enthousiaste, jeune, qui m’a laissé une sensation fort rafraîchissante (et je ne fais pas seulement allusion au pisco sour, dont j’ai pourtant bu des litres !). Mais parlons peu, parlons vin ; car bien que nous eussions divers prétextes académiques à ce voyage, il va sans dire que mon mari et moi n’allions pas passer trois semaines au Chili sans explorer son célèbre vignoble. À cette fin, nous avons bénéficié des précieux conseils de Michel Bettane (lisez ici son propre reportage au Chili) et de Paulina Sanchez, de Wines of Chile, que nous ne saurions assez remercier.

 

Un (tout) petit peu d’histoire

    Le Chili, habité par diverses tribus comme les Mapuches et partiellement colonisé par les Incas au XVe siècle, ne connaissait pas la vigne (vitis vinifera) avant la conquête espagnole, à l’aube du XVIe siècle. Ce sont les conquistadores qui apportent le christianisme et son corollaire, le vin de messe. Mais l’industrie viticole ne connaît un véritable essor qu’au XIXe siècle. Dès les années 1830, profitant de la facilitation des échanges entre Ancien et Nouveau Monde, les grandes familles chiliennes, propriétaires de vignobles encore aujourd’hui, ont l’intuition géniale d’importer des cépages français – surtout bordelais – qui commencent à se répandre sur le territoire. C’est ainsi que le vin chilien devient le grand bénéficiaire de la crise phylloxérique qui ravage l’Europe à la fin du siècle : la vigne chilienne, épargnée par le phylloxéra jusqu’à ce jour (grâce aux barrières naturelles ou à la richesse du sol en cuivre ?), se substitue à son homologue française sur le marché mondial, aidée en cela par l’afflux de viticulteurs et œnologues européens ruinés par l’insecte tueur. Au XXe siècle, le Chili traverse plusieurs crises viticoles, mais s’en relève avec des améliorations technologiques et qualitatives indéniables, notamment à la fin de la période Pinochet, avec l’aide de Miguel Torres, magnat du vin espagnol. Aujourd’hui, la production est résolument moderne, le rendement et la maturité sont contrôlés, la surface viticole ne se limite plus aux contrées les plus ensoleillées. Le Chili est le 8e plus grand producteur de vin, et surtout le 5e plus grand exportateur, puisqu’il réserve au commerce international près de trois quarts de son vin.

 

Aperçu géographique

    Le Chili, c’est comme un dîner dans un restaurant trois étoiles : très fin et très long. Avec son profil inimitable, cette bande de terre serrée entre les Andes et le Pacifique n’est pas partout propice à la culture de la vigne : au nord, Atacama, le désert le plus aride au monde ; au sud, les glaces de la Patagonie ; à l’est, les altitudes vertigineuses de la Cordillère. D’où un vignoble qui ne dépasse guère la surface de celui de Bordeaux avec ses 120 000 hectares (pour un pays plus grand que la France). Les vallées viticoles du Chili s’étirent d’est en ouest autour des rivières qui descendent des Andes vers l’océan. On en compte plus d’une douzaine en rang d’oignons sur l’axe nord-sud, mais une petite carte vaut mieux qu’un long discours.

carte_Chili

    On s’en doute, les terroirs et climats sont très variés entre la chaleur sèche de l’Elqui et les températures extrêmes associées à l’humidité du Bío Bío. À proximité de la côte, les vignes subissent l’influence rafraîchissante du courant de Humboldt. Globalement, le climat de la zone centrale (et viticole) du Chili est qualifié de méditerranéen, avec beaucoup de soleil, un été sec et un hiver doux qui ne dure que deux mois – notre séjour tombe d’ailleurs en plein milieu. Les écarts de température entre le jour et la nuit sont favorables à la maturation du fruit. Quant au sol, il mêle les sédiments d’anciennes rivières, les pierres de montagnes effondrées, la roche volcanique, le sable…

    Citons quelques grandes appellations : au nord, dans la région de Coquimbo, on trouve Elqui, fameux pour ses raisins à pisco comme le muscat ; puis, dans l’étroite zone de l’Aconcagua, la vallée éponyme avec ses cabernets sauvignons d’altitude, et Casablanca, baignée par le courant marin froid favorable aux blancs ; dans la vallée Centrale, Maipo, grande région autour de la capitale réputée pour ses cabernets, la vallée du Rapel, avec les rouges juteux de Cachapoal et Colchagua, et Maule, vieux géant qui mise à présent sur un retour aux méthodes traditionnelles ; enfin, dans le Sud, Itata avec son muscat, et Bío Bío avec son pinot noir.

    Il existe un système d’appellations contrôlées (denominaciones de origen), dont le classement est strictement géographique, les dénominations locales n’étant pas soumises en outre à un cahier des charges comme les AOC françaises : à quelques exceptions près, chaque vin porte l’appellation de la plus petite région où l’on peut circonscrire sa provenance (par exemple, Apalta se trouve dans la vallée de Colchagua, qui fait partie de la vallée du Rapel, qui est incluse dans la vallée Centrale, qui elle-même est plus précise que l’appellation « vin chilien »). Mais cette nomenclature par vallées pose problème, car en définitive l’opposition est / ouest entre montagnes, plaines et mer a plus d’impact sur la vigne que la latitude… Les microclimats sont nombreux et les appellations locales mériteraient d’être affinées.

    Mais là n’est pas encore la préoccupation majeure des Chiliens : ici comme dans d’autres pays du Nouveau Monde, le cépage prime largement sur le terroir, et ça, cépajuste.

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