750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Raisin et sentiments
12 mai 2015

Bettane et Bordeaux : la B-attitude

Crève-cœur : Saint-Émilion grand cru classé A, Château Pavie, 2008 (environ 240€)

 

Pavie2008

    On l’aura préparée, cette soirée ! D’abord, il fallait attraper la bête : Michel Bettane, critique de vins le plus renommé et le plus sollicité de France. Quoiqu’il nous connût déjà un peu, mon mari et moi avons eu du mal à réserver une date dans son agenda, plein à ras-bord six mois à l’avance. Puis nous avions besoin d’un axe thématique pour cette fameuse séance ; et après avoir opté, non sans maintes tergiversations, pour une dégustation « Pomerol et Saint-Émilion », nous devions encore trouver les bouteilles. Nous nous sommes donc livrés pendant quelques semaines au jeu de contacter des domaines pour obtenir l’envoi gratuit de deux ou trois bouteilles. Le nom de Bettane ouvre des portes, même celles des plus grands, mais il faut souvent insister ! Enfin, mieux vaut s’y prendre de bonne heure pour fournir un beau buffet de charcuteries et fromages un lundi soir…

 

    Et c’est ainsi que nous arrivons, le lendemain de notre retour de Champagne, fébriles d’espoir et de crainte comme des pécheurs devant Dieu le Père. Michel Bettane reconnaît avec un peu d’émotion son ancienne école ; agrégé de lettres classiques, il fait une entrée en matière d’un style professoral assez déconcertant. La salle, ordinairement bourdonnante de questions et commentaires, garde un silence déférent tandis que le grand homme présente les cépages et les terroirs du Libournais. Enfin nous passons à la pratique, en commençant par comparer deux pomerols de 2012 (Château Bourgneuf et Château Gazin), puis deux saint-émilions de 2008 (Château Fleur Cardinale et Château Chérubin). Sur la première paire, je suis séduite par le Château Gazin, avec ses arômes de myrtille et de rose et sa bouche longue, complexe et gourmande. M. Bettane nous fait remarquer la pointe mentholée qui relance les sensations au moment où l’on croit que c’est terminé… Pour le match des saint-émilions, nous avons le plaisir de faire découvrir Chérubin (le vin de notre ami Bertrand Bourdil) à notre illustre invité : plus évolué que Fleur Cardinale, avec des notes de rose fanée, de bois et de café et des tanins structurés, il remporte la palme. « Le vin, c’est une forme ! »

 

Bettane

    Mais la grosse artillerie arrive ensuite, et nous voilà zigzaguant entre les grands crus des deux régions. À Pomerol, la fameuse Conseillante nous a envoyé son millésime 2011, assez particulier, proche d’un bordeaux rive gauche par sa touche végétale et poivrée qui relève une bouche capiteuse au fruité bien mûr. « C’est sûr que vous ne prendrez pas une cuite au La Conseillante, c’est beaucoup trop cher ! » Pourtant, c’est à Saint-Émilion que je trouve mon chouchou de la soirée, le Château Pavie 2008, généreux et parfumé, avec des touches de miel, de vanille, de cacao, denses et persistantes. Nous remontons ensuite le temps avec un superbe millésime 2005 de Grand Corbin Despagne, dont la bouche veloutée évoque les épices et les fruits secs, puis le doyen de la séance, un Gazin 1999, au bouquet très torréfié (café, cacao, cèdre, cigare) ; quelle chance de pouvoir goûter cela, et avec cette belle acidité encore au rendez-vous ! La dégustation se termine sur le Château Figeac 2002 que M. Bettane a sorti pour nous de sa cave personnelle : un assemblage atypique à majorité de cabernets, des notes caractéristiques de poivron mûr, de réglisse, mais aussi des fruits jaunes ; la bouche frappe par son élégance, et dans un style très différent de Pavie, ce saint-émilion arrive second dans mon classement personnel…

 

pomerol_stémilion

    D’un très grand vin à l’autre, notre hôte a gagné en spontanéité, et le cours magistral s’est changé en conversation de salon cordiale. Nous parlons des primeurs de Bordeaux (« une comédie humaine ! entre amis, on se permet des petits mensonges… »), du buzz autour de Reignac, le bordeaux supérieur qui a surclassé les grands crus (apparemment, c’est Reignac qui avait payé les bouteilles pour la fameuse dégustation, et le Pétrus était bouchonné…), du processus de fermentation en cuve (« une copulation généralisée ! les levures, elles ne font que ça ! »). Avant de nous laisser terminer ces magnifiques bouteilles que nous avons obtenues grâce à lui, Bettane nous délivre un ultime oracle : « Attention, si vous êtes déjà piqués de bon vin à votre âge, c’est pour la vie. » Eh bien, Bettane now than never !

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 14 125
Publicité