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Raisin et sentiments
1 mai 2015

Una serata particolare : Vie di Romans

Coup de cœur : Italie, DOC Friuli Isonzo, Vie di Romans, Chardonnay, 2012.

 

chardonnay

 

    Au club de dégustation œnologique de mon école, les producteurs doivent accepter de venir à leurs frais avec leurs vins : nous nous contentons de fournir la salle, le buffet dînatoire final et un public curieux et passionné. Aussi les vins étrangers sont-ils rares dans nos séances de dégustation, et c’est d’ailleurs l’une de nos principales faiblesses en concours, notamment face aux Anglais. Seulement voilà, il y a des vignerons qui nous aiment. Gianfranco Gallo, qui dirige le domaine Vie di Romans, dans le Frioul, n’a rien à prouver : la qualité exceptionnelle de ses vins blancs est reconnue, et son entreprise familiale marche depuis 1978. Cela ne l’a pas empêché de venir une première fois à Paris rien que pour nous en 2012, où il avait fait forte impression avec une dégustation de onze vins. Et quand nous avons revu le domaine au Grand Tasting en décembre dernier, notre proposition pour une nouvelle visite à notre club a été accueillie à bras ouverts. Une fois de plus, Gianfranco nous envoie onze vins (trois bouteilles de chaque), plus une « surprise » ; une fois de plus, là où des producteurs français auraient rechigné à se déplacer ou auraient du moins attendu un salon pour venir à Paris, il prend un avion juste pour passer une soirée avec nous. Et quelle soirée !

 

    Gianfranco commence par une longue présentation très documentée en italien (j’assure partiellement la traduction simultanée). Nous apprenons tout sur le terroir du Frioul, zone la plus septentrionale d’Italie : la triple influence climatique (montagnarde, continentale fraîche et méditerranéenne), la proximité entre les Alpes et l’Adriatique, le point d’entrée de la Bora (vent froid et sec)… Nous découvrons aussi que selon certains scientifiques, les meilleurs millésimes ne sont pas les plus chauds (ce qui bien sûr n’aurait pas été à l’avantage du Frioul), mais ceux présentant le plus grand écart moyen de températures entre le jour et la nuit. Passant à la pratique, nous nous offrons une petite verticale sur chaque vin dégusté : la différence d’un millésime à l’autre est ici particulièrement intéressante. Ainsi, sur le sauvignon « Piere », le 2013 et le 2012 présentent une indéniable parenté aromatique, avec l’aspect végétal du sauvignon (cassis, feuilles de tomate) ainsi que ses notes d’agrumes et de fruits exotiques ; mais si le nez du 2013 est plus explosif et fruité (le 2012 étant un peu torréfié), la bouche du premier est plus tendue, celle du second plus longue. Quant au 2008, il est complètement différent, depuis la robe intense jusqu’à la bouche onctueuse et grasse, en passant par les arômes de cire d’abeille et de fruits secs dénotant la maturité du fruit et l’évolution du vin. Le contraste dans les robes est particulièrement flagrant sur le pinot gris (« Dessimis »), que nous dégustons sur les mêmes trois millésimes. Beaucoup plus rosé qu’un pinot gris alsacien dans sa jeunesse, avec des notes d’agrumes, de poire et des tanins qui rappellent son proche parent le pinot noir, il évolue avec l’âge vers une robe cuivrée qui se stabilisera au bout d’une dizaine d’années sur le doré. J’aime bien le « Dessimis » 2012, dont les nuances de miel et de beurre me rappellent le chardonnay…

 

    Et c’est justement le chardonnay qui reste mon coup de cœur de la soirée, parmi tous ces vins d’une grande élégance. Pourtant, le premier que nous goûtons (2012) ressemble peu aux bourgognes blancs que j’aime tant : les arômes gras typiques (amande, noix de coco) se doublent en effet de touches sucrées (miel, fruits jaunes mûrs, vanille) et épicées. Malgré une attaque toute en onctuosité, la bouche remonte en tension en finale. Le chardonnay 2011 (un millésime marqué par cette fameuse amplitude thermique censée favoriser le mûrissement optimal du raisin) est l’un des rois de cette dégustation ; j’y trouve des notes de fruits exotiques, mais aussi une certaine minéralité (avec une pointe pétrolée) et du champignon. Il est certes très évolué pour son âge, et présente selon Gianfranco un nez de foie gras que l’on pourrait trouver sur un meursault à parfaite maturité. La bouche est complexe, mais plus austère que celle du 2012 qui reste sans doute mon préféré. Le 2008 n’est pas mauvais non plus, mais plus rectiligne, avec un nez de beurre fondu et de truffe et une bouche minérale épurée.

 

    Nous terminons la dégustation avec deux bouteilles de « Dut’Un », l’assemblage-phare de la maison : 50% sauvignon, 50% chardonnay (pourquoi ? par « pur égoïsme » du producteur, qui en est très fier). Comme dans un couple, l’un des cépages finit toujours par dominer ; mais en l’occurrence, le millésime fait encore des siennes. En 2012, le sauvignon prend nettement le dessus avec ses arômes végétaux et sa tension en bouche, même si la texture et la minéralité de l’autre cépage restent perceptibles ; en 2011, c’était le tour du chardonnay (miel, cire, champignon, levure, onctuosité en bouche…), rendu plus aromatique par son partenaire. Devinez lequel des deux j’ai préféré ! Et pour ceux qui ont tout lu, la « surprise » pour accompagner les charcuteries et fromages italiens n’était rien moins qu’un double magnum de sauvignon 2009. Grazie mille, Gianfranco ! Avant de repartir, il insiste pour prendre une photo de groupe avec nous. Je suis touchée qu’un grand vigneron italien soit ainsi épris de notre club ; mais au fond, c’est pour cela que nous nous donnons du mal, car que serait la vie sans une touche de Romans ?

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